Son œuvre
Il était un dessinateur né, projetant sur le papier le dessin de couleurs. Sa mémoire visuelle était prodigieuse, son sens de la ressemblance aigu. En quelques traits, il sait souligner la contingence de ses sujets, les mêmes souvent, mais jamais pareils, dans la diversité des moments où il choisit de les représenter.
Bien que peu de ses œuvres ne soit , à notre connaissance, daté, on peut distinguer trois périodes dans sa production.
Les trois Manières de Constant DETRÉ
La première de 1920 à 1930 illustre la vie misérable et héroïque de l’artiste qui vit d’enthousiasme se contentant selon ses dires de pain et de thé pour seuls viatiques.
Ses dessins à l’encre ( séries « Miséres » ou « Misérables » et « marchands de Canon » sont d’émouvants plaidoyers. Il réalise des illustrations ( Thérèse Raquin, Ràmàyana ) des aquarelles (personnages de Cirque ). Les maisons de tolérance, comme se fut le cas de Toulouse-Lautrec, l’intéressent énormement : en témoignent ses dessins dits « Dessins à la Lanterne », émouvants miroirs et reflets de l’époque.
Bien qu’inscrit comme Sociétaire des Artistes Indépendants en 1930, il n’exposa cette année là que deux oeuvres : un dessin sans titre sous le n° 1175 et « Loulou » sous le n° 1176.
Son oeuvre de Pédagogue :
Durant plusieurs années, il donna à l’Académie Julian, à Paris, 55 rue du Cherche-Midi (Montparnasse ), des cours de Dessin de Mode, Il officiait ainsi le mardi de « 2 heures à quatre heures , » Quand à ses cours d’Art duThéâtre, ils avaient lieu le mardi de « 3 heures à 5 heures », donc une semaine sur deux, si on comprend bien. ( Plus de précisions sur la page « autres détails ».)
la deuxième Période de 1930 à 1940
Par ailleurs, il travailla à la traduction d’œuvres de Béla BALÁZS, juif hongrois à l’origine, mais qui choisit la Russie et non la France et qui donna à Béla BARTÓK l’argument de son Barbe Bleue et Le Mandarin Merveilleux. Il monta même un théâtre d’ombres en compagnie de son ami Maurice HENRION pour lequel il traduisit des contes hongrois dont l’Amphore Noire, d’après le Mandarin Merveilleux. Des maquettes en bois qu’il avait dessinées et taillées et qui existaient encore lors de la vente du 2 juin 1967 à l’hôtel Drouot d’après M. Henrion, presque rien n’a été conservé. Il travailla aussi plusieurs années, comme metteur en scéne, avec son ami Géza BLATTNER marionnettiste très personnel et bon peintre, fondateur du théâtre de marionnettes « Arc en Ciel ». Il fit aussi de la gravure avec son ami Emeric TIMAR .
Mais surtout cette période fut illuminée par son mariage le 30 décembre 1933 à Paris (Vè) avec une jeune artiste française née à Yzeure ( Allier) Claire CARNAT, modéliste très douée, rencontrée à Paris, diplômée de l’ Ecole Municipale de Dessin et d’Art appliqués à l’Industrie ( Ecole Elisa Lemonnier ), dont la directrice était la tante du peintre Yves Brayer, alors située 24 rue Duperré dans le 9ème arrondissement. Ils fondent ensemble, de toutes pièces, le Théâtre de Marionnettes « COU-COU » qui aux beaux jours fait des saisons en province ( La Bourboule ( Puy de Dôme ) en particulier ) et que l’on put voir à Paris, salle Pleyel, au Vieux Colombier, et chez Gaston Baty. ( voir galerie de l’artiste).
Les pastels de cette époque célèbrent de façon optimiste les charmes féminins : spécimens variés de maquerelles appelées SUZY, sujets parisiens plein de malice, têtes et corps de femmes, longilignes ( garçonnes) ou au contraire aux formes voluptueuses, croqués sur le vif et empreins d’une vie intense. Quelques pastels algériens illustreront son voyage de noces à Bougie ( Algérie ) sur l’invitation du frère de son épouse.
La troisième période, 1940 – 1945 ,
représente une période féconde malgré les événements. Il s’est replié avec sa belle-famille à Garnat sur Engièvre, dans l’Allier, en pleine campagne où il s’intègre sans difficulté à la population. Appelé au service armé ( classe 1911 ) après sa naturalisation comme 2è classe, en 1937 mais non astreint aux obligations d’activité étant âgé de plus de trente ans, il est tout de même mobilisé le 1er septembre 1939 puis renvoyé dans ses foyers le 25 novembre 1939. Il peut enfin goûter au calme. On lui fait confiance : il reçoit mission, lui et d’autres, en juin 1940 en pleine débâcle, de concentrer et diriger des isolés de la 2ème armée en des points précis et faire barrage à 800 détenus de la prison de Clairvaux en cavale, « en tenue kaki avec calotte ».On a souvent recours à sa parfaite connaissance de la langue allemande. Lui, l’ancien bohême, est désormais un homme installé, intégré, peut-être pas totalement dans sa belle-famille, mais heureux auprès de son épouse qu’il adore, bien plus jeune que lui. Il s’inspire du décor champêtre qui l’entoure, crée aussi des scènes de genre, au décor intimiste, peuple ses pastels de personnages bien réels puisque ce sont des membres de sa belle-famille, ses ami(e)s, et essentiellement son épouse, qui lui servent par commodité et par manque de moyens, de modèles. Il accumule ainsi de somptueux pastels, aux couleurs vives, chatoyantes, représentant femmes, portraits, paysages. Souvent , il se met lui-même en scène : l’homme au lunettes rondes qui contemple, tel un démiurge myope bienveillant, ses propres créatures, c’est bien lui !